+Poésie : Mouvements enchâssés (à Brigitte P.)
Rêverie Désormais la rivière et ma promeneuse à son bras De la première et de la seconde je suis captif, |
Humble bilan d’étape Au commencement de notre belle route commune Emplir ta vasque au point de ne plus m’aimer hors de toi, Au contraire, gardant nos fusions du cœur et du corps Notre part incontrôlée le cède aux méfaits du temps, |
Epanchements
Aimons-nous pour prémunir le pauvre lopin de terre |
Toi et moi sommes ce bras de Sorgue et cette saulaie |
Aimer veut sans doute dire travailler à aimer, |
Dans le fond de tes yeux demeure la maison |
S’il advient que mon rêve soit un jour réalité, |
Ton sourire, fuselé comme une balle en plein cœur, |
Ainsi un rien peut faire qu’on cesse de se répondre, |
Rabais exceptionnel dans le coût du bonheur : |
Il pleut sur nos cheveux des éclaboussures d’automne, |
Nos yeux s’ouvriront-ils au prochain lever du soleil, |
Jusqu’à ce que vie s’en suive, aimer, toujours aimer, |
Aimer l’amour dans un état de grâce permanente, |
Mon amour ne me trouve-t-elle pas accaparant, |
Ne prétendre qu’aux bonheurs les plus intimes et simples |
Le sacré, parfois : juste ta main posée sur la mienne, |
Nous sommes aussi ces herbes adventices ou folles, |
Vienne du froid la douce compensation dans la chair, |
Rien n’est plus haut sur la pyramide des plaisirs |
Souvent ma chair se rêve au fond de ta chaleur, |
Toute action est comme une course avec la nuit |
Après l’envol d’un geste simple |
Nos mains nous amarrant l’un à l’autre, ne plus penser |
La langue, sorte de chair où se mêlent nos fibres |
Chacun berger des soupirs de l’autre nous avançons, |
De pareille journée la rêverie reste captive : |
Nous résistons Nous voici au plus près du cours naturel des choses, côte à côte égrenant la succession des instants, assis sur le tronc fraîchement coupé d’un platane, sur la berge, pris tous deux entre l’eau et le ciel ; nous sommes ce que donne à ressentir la nature : éléments, que la matière a combinés en chair. Comme souvent mon bras sur ton épaule posé freine un peu, pour moi seul, la liquidation du monde, quand nos propos à la dérive vers tout et rien donnent au matin plus de place qu’à nos angoisses, à nos rires qu’à mes appréhensions de la nuit, à quelque chant d’oiseau plus qu’à la chute des arbres. |
Faiblesse Quand je te vois t’éloigner pour promener la chienne j’éprouve toujours l’absurde pincement au cœur de qui ne sait à quelle nature de partance sa vie le confronte au juste : avec ou sans retour. Tu vas sombrer sous mes yeux au virage de la route qui ressemble chaque fois au coude du boomerang avec tout ce que cela comporte d’incertitude d’instant en instant, sur les conséquences de nos pas. Eviter de penser l’aléa serait plus facile, presque un automatisme dans le jeu du quotidien, pourtant à bien des moments me saisit une inquiétude, lorsque je t’ai perdue dans mon champ de vision et que ramené alors à la source du silence je reste sans le socle de confiance sous mes pieds que me rendront les regards de douceur dont tu m’englobes, du moins si toutefois, certes comme le plus souvent. |